Défense des libertés

Le projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », porté par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, a été présenté en Conseil des ministres le 1er février. Il devrait être examiné en première lecture au Sénat à partir du 28 mars. 

Dans ce cadre, nous avons été entendu·es à deux reprises, d’abord par la sénatrice Eliane Assassi (groupe CRCE), puis par le sénateur Guy Benarroche (groupe écologiste – solidarité et territoires) pour présenter nos observations. Nous avons également été sollicité·es par la commission des lois pour répondre à un questionnaire.

A ces occasions, nous avons dénoncé les dispositions qui conduisent à une nouvelle précarisation des personnes exilées. En effet, s’il prétend assurer une meilleure protection du droit des personnes, le projet de loi conduit au contraire à une négation radicale des droits fondamentaux des migrant·es, faisant de l’entrée et du séjour une infraction qui ne porte plus son nom. L’indigence de l’étude d’impact et notamment des motivations à légiférer pourrait presque prêter à sourire si les mesures en résultant n'étaient pas aussi graves : extension considérable du champ des expulsions, des peines d'interdiction du territoire français, des OQTF, facilitation de l'inscription au fichier des personnes recherchées, possible prise d'empreintes sans consentement ou encore élargissement des possibilités d’inspection visuelle par la police aux frontières à l’ensemble des véhicules des particuliers.

Cette précarisation du droit au séjour est d’autant plus révoltante qu’en parallèle, sous couvert de faciliter les régularisations des travailleurs étrangers exerçant des métiers dits « en tension » – en réalité des métiers précaires –, le gouvernement alimente l’idée d’une immigration jetable.

Par ailleurs, ce projet dégrade considérablement l’accès aux droits et au juge. De la généralisation de l’audience par visioconférence imposée au juge judiciaire au détriment des droits de la défense, à l’audience en juge unique dans le cadre du contentieux administratif dans un souci d’accélération et donc d’optimisation sans égard pour la délibération et la collégialité, le texte favorise l’enfermement des personnes étrangères (allongement à 48 heures du délai accordé au JLD pour statuer sur le maintien en zone d’attente, disposition spécifiquement conçue en réaction à l’actualité de l’Ocean Viking) et finalise une œuvre de déshumanisation de la justice l’étendant aux juridictions administratives jusque là préservées.

Plus globalement, nous dénonçons un projet de loi dont l’économie globale tend à rationaliser encore davantage les instances judiciaires et administratives pour répondre à une logique purement sécuritaire.

Observations PJL immigration (151.94 KB) Voir la fiche du document

PJL immigration - réponse au questionnaire commission des lois  (174.65 KB) Voir la fiche du document

Les images de la répression policière des manifestations dénonçant l’utilisation de l’article 49-3 dans le cadre de l’examen d’une réforme qui a suscité une très forte mobilisation depuis plusieurs semaines sont choquantes. Nous avons vu ces scènes indignes d’une démocratie : des policiers exerçant des violences illégitimes contre des manifestants et des street medics, des interpellations collectives de manifestants enjoints de s’assoir par dizaines à terre, mains sur la tête, des journalistes faisant leur métier menacé·es ou brutalisé·es.

Mais derrière ces images terrifiantes, il y a les décisions qui les sous-tendent et les mécanismes institutionnels à l’œuvre : des directives données par le ministre de l’Intérieur à tous les préfets de France, et des forces de sécurité intérieure sommées de réprimer les manifestations qui s’organisent dans de nombreuses villes pour exprimer la colère sociale face au déni de démocratie. Le Gouvernement continue de mépriser le mouvement social et la violence ne fait que croître.

Des centaines d’interpellations et de mesures de garde à vue ont été décidées depuis jeudi dernier. La très grande majorité de ces mesures n’a reçu aucune suite judiciaire (à Paris, après la manifestation de jeudi place de la Concorde, sur 292 gardes à vue de manifestant·es, seules 9 ont donné lieu à des poursuites pénales).

Nous ne devons pas nous satisfaire de cette présentation de façade d’une autorité judiciaire assumant son rôle en ne donnant pas suite à des mesures policières infondées. Ces chiffres montrent que les forces de sécurité intérieure utilisent très abusivement la garde à vue, déclinaison concrète d’une volonté politique de museler la contestation en brisant les manifestations en cours et en dissuadant – par la peur –  les manifestations futures.

Que peut l’autorité judiciaire face à cette violence d’État ? Comment incarner l’institution constitutionnellement gardienne de la liberté individuelle, et donc chargée de contrôler les mesures privatives de liberté et de mettre un terme à celles qui seraient infondées ?

Jouer pleinement notre rôle doit nous conduire à refuser le détournement de la procédure pénale au profit du maintien de l’ordre, à refuser de donner un vernis judiciaire à des opérations de police qui ne sont plus au service de la protection de la population mais de sa répression. Notre place n’est pas dans les salles de commandement car en nous associant aux autorités de police en amont de la réponse judiciaire, nous contribuons à la pénalisation du mouvement social et nous nous privons de notre capacité de contrôle en aval. Notre place n’est pas au côté des préfets pour préparer la répression des manifestants mais de protéger les justiciables dans l’exercice de leur citoyenneté. Notre contrôle de toutes les procédures initiées lors des manifestations doit être exigeant et minutieux.

Apprenons de nos expériences passées, l’indignation ne suffit pas : il est aujourd’hui évident que lors du mouvement des gilets jaunes, l’institution judiciaire s’est mise au service d’une répression violente du mouvement social. Le rôle de l’autorité judiciaire est de garantir les droits et libertés des personnes. Nous devons donc les protéger dans l’exercice de droits essentiels à la démocratie : la liberté d’expression et de manifestation.

 

L’autorité judiciaire n’est pas au service de la répression du mouvement social (61.67 KB) Voir la fiche du document

A la suite de leur expression publique concernant l'opération "Wuambushu", des magistrates représentant le SM à Mayotte font l’objet de multiples mises en cause personnelles bafouant la liberté d’expression syndicale.

Vous trouverez ci-joint notre communiqué de presse commun avec le Syndicat des Avocats de France en soutien de nos collègues.

 

Pour que le débat continue d'exister à Mayotte (76.87 KB) Voir la fiche du document