Indépendance

Paris, le 18 septembre 2024

Disparition inquiétante à Matignon

Fait notable dans la composition du cabinet du Premier ministre Michel Barnier, annoncée dans le journal officiel du 17 septembre : la fonction de conseiller justice est désormais rattachée à un « pôle » flambant neuf dont l’intitulé « Sécurité-Justice-Immigration » a de quoi faire frémir, d’autant plus qu’il sera piloté par un conseiller issu de la préfectorale, ex-DRH de la police nationale. Tout un monde... qui assume désormais un désintérêt explicite pour la justice et la séparation des pouvoirs. Après tout, pourquoi s’embarrasser d’un magistrat pour analyser les questions judiciaires, quand l’Intérieur est là, tout prêt à donner son avis ?
 
Si le rapport de force entre le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur est le plus souvent défavorable au premier, le désormais regretté « pôle Justice » de Matignon – qui était dirigé par un magistrat et distinct de celui des « affaires intérieures » – était essentiel pour préserver un équilibre institutionnel et politique entre ces deux ministères régaliens aux intérêts parfois concurrents. Le Premier ministre envoie ainsi au diable l’organisation traditionnelle de son cabinet, et avec elle une certaine idée de la justice : un préfet adoubera, ou non, certains projets de nomination de procureurs, arbitrera les désaccords entre les deux ministères sur tel ou tel texte de procédure pénale, validera les projets gouvernementaux de réformes du droit civil ou relatives au statut et aux conditions de travail des personnels de justice, etc. Autant de sujets pour lesquels la voix d’un représentant de l’institution judiciaire ne sera plus audible.
 
Les entreprises de domestication de l’institution judiciaire par l’exécutif sont légion depuis 2017. Cette réorganisation du cabinet du Premier ministre est bien plus qu’un mauvais présage : elle témoigne d’une dévaluation extrêmement inquiétante, au plus haut sommet de l’État, de l’autorité judiciaire et de ses missions, gravement réduites à être au service de l’ordre public et la répression.
 
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